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Tribulation d'une infirmière en gériatrie

Tribulation d'une infirmière en gériatrie
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5 février 2014

Présentation Générale

Bonjour à vous, Ce blog intitulé « Tribulation d'une infirmière en gériatrie » a pour but de sensibiliser un maximum de personnes sur les conditions de travail déplorables que l'on peut rencontrer dans le monde du soin, et plus particulièrement dans le...
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5 février 2014

Partie 1 : Lucyna, une jeune femme sensible.

Avant de vous raconter mon histoire, ce chapitre vous précisera quelques éléments essentiels de ma vie.

Je m'appelle Lucyna Dacrio. Aujourd'hui, je fête mes 24 ans, l'occasion pour moi de faire le point sur mon existence. Le quart de siècle approchant, je ne peux m'empêcher de me poser un tas de questions. Suis-je sur la bonne voie ? Ai-je fait les bons choix ?

J'ai la chance d'avoir un compagnon aimant et attentionné. Il est ma moitié, ma plus grande force. Nombre d'entre vous ressentent peut-être la même chose que moi lorsque ses yeux se posent sur vous. C'est une certitude, de ce point de vue là, je n'ai pas fait d'erreur. Il est l'homme de ma vie, et j'espère que d'ici quelques années, nous construirons notre famille à nous.

Mais alors, pourquoi ai-je tant de doute au fond de mon cœur ? Ne dit-on pas que l'amour est la chose la plus importante dans la vie ? Avec l'eau fraiche bien entendu !

La véritable raison de mon mal être, c'est mon travail. Comme beaucoup de personnes sur cette terre me direz-vous. Qui n'a pas de soucis avec son patron, ses collègues ? Qui ne rêverait pas d'une autre place ? De plus de responsabilités, de moins de contraintes... Chacun a son idéal et normalement, tout le monde devrait y trouver son compte, lorsque l'on voit la diversité des métiers. Mais nos rêves ne sont pas toujours accessibles. Problème d'argent, de motivation, de capacités intellectuelles... Bref, un tas de raison fait que nous n'arrivons pas toujours à la place que nous avions souhaitée.

Pourtant, moi, j'y suis arrivée, non sans embuches, bien sûr. Je suis infirmière depuis trois ans maintenant. Faire ce métier est un rêve d'enfant devenu réalité.
Mais, au fil du temps, cette réalité que j'avais toujours désiré est devenue cauchemar... L'envie de devenir infirmière m'est venue à l'âge de 13 ans, lorsque j'ai appris que ma maman souffrait d'un cancer du sein. Je me rappelle avoir cherché les informations où je pouvais pour comprendre ce qu'il se passait, mais je n'avais pas accès à internet à cet âge-là. C'est mon père qui a fini par m'expliquer avec ces mots ce qu'était un cancer, un soir où maman était hospitalisée. Mon intérêt pour la biologie s'est éveillé à cet instant. Je voulais comprendre. Je voulais savoir quel mal rongeait ma mère et surtout pourquoi. Mais j'avais déjà compris une chose : il ne fallait pas que ma maman me voie triste. Je devais la préserver pour qu'elle garde le moral. J'avais saisi l'importance de l’esprit dans une pathologie telle que le cancer.À cette période, j'ai vécu des moments très difficiles, et encore aujourd'hui, j'en souffre. J'ai le sentiment d'avoir été privé de ma jeunesse, de mon innocence. Personne ne me comprenait vraiment au collège. Dans mon entourage, personne n'avait vécu ce que je vivais. Je me sentais seule au monde et je me suis refermée sur moi-même pendant longtemps, allant jusqu'à devenir anorexique.

Outre ce sentiment de solitude, j'ai eu bon nombre de responsabilités du jour au lendemain. Entre l'opération dans une clinique située à une heure de route, puis les séances interminables de chimio, ma mère et mon père n'étaient pas souvent présents. Et quand ils l'étaient, mon père s'occupait de ma mère, car elle vivait très mal les chimiothérapies, la perte de ses cheveux, les effets secondaires... et j'en passe. Je devais donc gérer du haut de mes 13 ans, les repas, le ménage, le linge, les devoirs de mon petit frère, ainsi que les miens. Je n'en veux pas à mes parents, ou à qui que ce soit d'autre. Nous avons tous fait comme nous pouvions, et ma grand-mère était également présente à nos côtés. Nous nous sommes serrés les coudes pour sortir de cette mauvaise passe.

Par chance, après une année de lutte, les traitements se sont arrêtés. Le cancer était parti, mais il fallait tout de même effectuer des contrôles réguliers. La vie a plus ou moins repris son cours, même si cette période a laissé de nombreuses plaies ouvertes dans la relation que j'entretenais avec ma mère. Le médecin avait été clair avec elle : si elle voulait éviter la rechute, elle devait impérativement perdre du poids. Elle n'en a rien fait. Elle ne cessait de dire que si un jour elle était à nouveau malade, elle souhaitait qu'on l'emmène en Suisse pour bénéficier de l'euthanasie...
Passons...


Le destin nous a laissés tranquilles pendant quatre ans, pendant lesquelles j'ai poursuivi mes études dans le sanitaire et sociale, en vue de passer le concours d'infirmière en même temps que le Bac.


Bac décroché, concours d'entrée à l'école d'infirmière décrochée, mes premières histoires d'amour, bref, tout semblait rentrer dans l'ordre.
En février 2009, ma mère passait ces derniers examens de contrôle, tandis que je m'épanouissais en tant qu'étudiante infirmière en première année. Et c'est en mars 2009 que les premiers ennuis pointèrent à l'horizon. Ma mère ne cessait de faire des allers-retours chez le médecin ; son estomac lui faisait mal. De fil en aiguille, nous avons appris qu'elle avait un cancer de l'estomac. J'avais l'intime conviction, avant même de connaître le pronostic, que ma mère allait mourir. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais je le savais au fond de mon cœur. Et effectivement, trois mois plus tard, alors que j'apprenais que ma première année d'infirmière était validée, ma mère quittait ce monde, à l'âge de 47 ans.
Ce qu'il s'est passé à l'hôpital les trois derniers mois de sa vie m'a d'autant plus convaincu qu'il fallait que je fasse ce métier. Je me souviendrais toujours d'une infirmière en particulier. Lorsqu'elle entrait dans la chambre, on sentait ma mère se crisper, alors qu'elle ne communiquait plus. Je me suis jurée de ne jamais devenir ce genre de soignante, inhumaine au possible, et qui a simplement choisi ce métier « parce qu'il y a du travail » ou autre raison débile. J'ai l'intime conviction qu'il faut faire ce métier avant tout par passion, et c'est grâce à ma mère en particulier que j'ai compris cela.

Maintenant que vous savez pourquoi j'ai choisi ce métier, je vais pouvoir vous raconter mon quotidien en blouse blanche...

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